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Réforme du RAAP - 26/09/2015

Paris, le 26 septembre 2015


Madame Marisol TOURAINE
Ministère des Affaires Sociales et de la Santé
14, avenue Duquesne 75350 PARIS 07

Lettre recommandée avec accusé de réception
Copie à Monsieur le Directeur de Cabinet
Objet : réforme du RAAP

Madame la Ministre,

Par un courrier du 24 juillet 2015 adressé au Président du RAAP et de l’IRCEC, Frédéric  Buxin,  vous avez  enjoint  le  RAAP  à « finaliser  cette  réforme  afin  que  le  pouvoir réglementaire soit en mesure de la sécuriser pleinement sur le plan juridique par le biais des arrêtés nécessaires, et ce avant la fin de l'année 2015. Ce calendrier désormais extrêmement contraint ne doit toutefois pas s'opposer à ce que les réflexions mises en avant lors de la vaste concertation conduite récemment soient prises en compte dans la fixation des paramètres afin de garantir une large acceptabilité de la réforme. »

Votre courrier nous a été communiqué par le RAAP le 31 août 2015.
Les termes de ce courrier appellent deux remarques de notre part.

S’agissant des délais pour prendre les mesures réglementaires découlant de la réforme, nous remarquons que votre courrier vient contredire la parole de Monsieur Lepetit, représentant de la Direction de la sécurité sociale présent à la première réunion de concertation du 1er juillet 2015, et qui avait précisé qu’il n’y avait pas de caractère impératif à faire des modifications réglementaires avant la fin de l’année 2015. De fait, qui pourrait croire que l’Europe est actuellement focalisée sur le caractère optionnel du régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs français au point qu’il faille prendre des mesures dans la précipitation et ce, au détriment de toute réflexion approfondie avec les acteurs concernés ? Nous avons donc été surpris de votre désaveu ainsi que de la tournure pressante et dramatisante de votre courrier.

Cependant et c’est heureux, vous avez précisé : « Ce calendrier désormais extrêmement contraint ne doit toutefois pas s'opposer à ce que les réflexions mises en avant lors de la vaste concertation conduite récemment soient prises en compte dans la fixation des paramètres afin de garantir une large acceptabilité de la réforme. ». Nous prenons donc acte que vous avez en soin de conditionner la réforme et son calendrier à une large acceptabilité. Nous vous en remercions.

Par la présente, nous vous  informons que les conditions d’une « large acceptabilité » de la réforme ne sont nullement réunies à ce jour.

Pour votre bonne information, une synthèse de la situation et de son historique récent nous semble aujourd’hui indispensable.

Après la première réunion de concertation du 1er juillet 2015 au cours de laquelle aucun consensus ne s’est dégagé, le RAAP a décidé de convoquer une seconde réunion le 20 juillet. Vingt organisations en ont demandé le report par courrier le 7 juillet, en vain. Cette réunion imposée dite de « synthèse » s’est tenue et le RAAP y a présenté une « alternative » à la « proposition intersyndicale », en l’absence des principaux concernés (les syndicats des arts visuels n’étant pas disponibles à cette période pour des raisons professionnelles connues de tous).

Une nouvelle réunion a été convoquée par le RAAP le 4 septembre 2015. Cette réunion,  qui aurait dû être la seconde réunion de concertation, a été transformée en une réunion  de présentation d’une étude actuarielle contestable faute de connaissance fine des  revenus et fondée sur des hypothèses de modalités de cotisations non stabilisées  puisqu’à ce stade aucune ne faisait l’objet d’un consensus. En effet, contrairement à ce  qui a été demandé dans le courrier du 7 juillet par une large majorité des structures, les  pistes envisagées le 1er juillet n’ont à ce jour jamais été approfondies par le RAAP en  faisant varier les paramètres. Demande réitérée le 20 juillet notamment par le SELF,  l’adaBD et l’AGRAF.

Il est toutefois ressorti de cette étude deux points notables. D’une part, en raison des 17  années de réserve accumulées par le RAAP, quel que soit le scénario retenu, aucun  risque financier ne pèse à court terme sur le régime, et, d’autre part, le scénario soutenu  par le RAAP vise à faire passer la collecte globale de 20 à 70 millions en 3 ou 4 ans.

Le RAAP a également présenté à cette réunion sa proposition « alternative » à celle de l’intersyndicale et demandé à chaque structure de se positionner sur cette « nouvelle » proposition. Quatre structures ont donné leur accord à cette « alternative » : un syndicat, l’AFD,  représenté  par  la  trésorière  du  Conseil  d'administration  du  RAAP,  deux associations, l’UPP et l’ATLF, également représentées par des membres du CA du RAAP, et une société d’auteurs, la SACD.

Les autres organisations ont, à part à peu près égale, soit réservé leur position dans l’attente d’en savoir plus sur la proposition « alternative » du RAAP et sur la proposition intersyndicale elle-même, soit se sont déclarées favorables au système de cotisation avec des taux progressifs par tranches de revenu avec des paramètres ouverts à la négociation pour aboutir à un consensus.

En ce début de concertation organisé par le RAAP, il est à la fois notable et regrettable  que le principe soutenu par l’intersyndicale dès le 6 mars 2015 d’une cotisation avec des  taux par tranches de revenu n’ait pas encore fait l’objet d’une présentation à tous.  D’autant que spontanément, certains représentants consultés confondent les pourcentages par tranches (donc qui s’appliquent à chaque tranche) avec l’application d’un pourcentage différent selon le niveau de revenu. Le second mode de calcul  engendre des effets de seuil bien connus alors que le premier permet une progressivité  du taux effectif.

Dans ce contexte, nous apprenons le 24 septembre 2015 que le CA du RAAP a voté sa  proposition dite « alternative » ! Le projet de réforme voté est donc foncièrement  identique à celui voté le 23 septembre 2013 : un taux uniforme de 8% à la charge des  auteurs d’arts visuels (plasticiens, graphistes, photographes) et un taux uniforme réduit  de 4% à la charge des auteurs des autres secteurs (livre, audiovisuel, musique), une  période de transition déraisonnablement courte, comparée à ce qui a été adopté dans les  autres régimes cités dans votre courrier (avocats, notaires, pharmaciens). Les quelques  « aménagements » introduits à la marge ne changent rien à son caractère inacceptable.

Par la  présente,  les  organisations signataires vous informent qu’elles sont fermement opposées aux modalités de réforme votées par le CA du RAAP le 24  septembre 2015. Inspirée par la CIPAV, « l’usine à gaz » extrêmement contrainte votée par le RAAP ne répond pas du tout à la volonté majoritaire des auteurs et de leurs syndicats, tous secteurs confondus, de cotiser plus les bonnes années et moins les mauvaises avec un taux effectif progressif selon le revenu. En outre et en toute injustice, ces modalités portent plus particulièrement préjudice aux professionnels des arts visuels, seuls pleinement impactés par le taux uniforme à 8%.

Il n’est évidemment pas pensable que ceux qui représentent les auteurs ayant à leur charge un taux réduit de 4% puissent décider seuls et à la place de ceux qui représentent les auteurs qui auraient à leur charge un taux plein de 8%.

Non seulement la « large  acceptabilité » à laquelle vous avez conditionné la promulgation des mesures réglementaires n’est pas garantie, mais le vote du CA du RAAP provoque aujourd’hui la vive colère de la grande majorité des syndicats d’artistes-auteurs, opposés à ce projet de réforme inique et irréfléchi.

C’est pourquoi nous vous demandons solennellement de respecter votre parole, donc de surseoir à toute disposition réglementaire et d’organiser vous-même en collaboration avec le ministère de la Culture une concertation digne de ce nom.

Les « aménagements » à la marge proposés par le RAAP ne sont pas le fruit d’un  « compromis » mais le résultat d’une manipulation éhontée et d’un manque de réflexion.

Décidés dans la précipitation cet été, ces « aménagements » s’avèrent très rigides et  posent de nombreux problèmes.  Le plus surprenant est leur  caractère  optionnel. L’introduction d’une option à un taux réduit de 4% pour les artistes-auteurs ayant un revenu inférieur à un certain seuil est annoncée par le RAAP sur son site sans que soit  précisée la durée de la période transitoire pendant laquelle l’option serait permise, ce qui peut laisser sous-entendre que cette option entre plusieurs taux serait permanente.
Or, la suppression de tout caractère optionnel a été présentée par votre ministère  comme une obligation juridique impérative et la cause même de la nécessité de réformer  notre régime de retraite complémentaire en regard de la législation européenne.

Il a clairement été précisé à l’intersyndicale par le cabinet que la suppression de tout  caractère optionnel était une condition sine qua non pour la légalité des futures modalités de cotisations. Nous avons pleinement tenu compte de cette contrainte  première dans notre proposition intersyndicale. Et nous n’ignorons pas qu’aucun régime  complémentaire, notamment « ceux des  avocats, des notaires, ou encore  des pharmaciens » cités en exemple dans votre courrier, n’a conservé d’option au-delà de la période transitoire.

Alors comment doit-on interpréter la présence à ce stade d’un choix optionnel entre  deux taux (8 ou 4 %) dans « l’alternative » du RAAP à la proposition intersyndicale ? 
Cette option est-elle provisoire ou pérenne ?
Les « règles du jeu » qui ont été données au  RAAP et à l’intersyndicale sont-elles identiques ?
Cette option récemment introduite par  le RAAP et présentée comme pérenne, a-t-elle été approuvée par votre ministère ?
La  législation européenne permet-elle finalement une part d’optionnel dans les régimes de  retraite complémentaire obligatoire de sécurité sociale ? Souffre-t-elle des exceptions dont nous n’aurions pas été informés au départ ?
Le « risque juridique important » que  vous mentionniez dans votre courrier peut-il s’avérer à ce stade négligeable devant  l’urgence d’une réforme dont la cause s’avérerait finalement très relative ? Conserver  des options permet-il ou non de « sécuriser pleinement sur le plan juridique » notre  unique régime de retraite complémentaire ?

Dans l’attente de vous lire prochainement, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

AdaBD (Association des Auteurs de Bande Dessinée)
CAAP (Comité des Artistes Auteurs Plasticiens)
SELF (Syndicat des Ecrivains de Langue Française)
SMDA-CFDT (Solidarité Maison des Artistes)
SNAA-FO (Syndicat National des Artistes Auteurs)
SNAP-CGT (Syndicat National des Artistes Plasticiens)
SNP (Syndicat National des Photographes)
SNSP (Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens)
UNPI (Union Nationale des Peintres-Illustrateurs)
USOPAV (Union des Syndicats et Organisations Professionnelles des Arts Visuels)

Par délégation pour les structures signataires
Laure CHANE-TIENG
Secrétaire Générale du SNP
Contact : Courrier : SNP - c/o CHANE-TIENG
4, Place de la Porte de Champerret / apt.45
75017 PARIS
e-maill : contact@snp.photo